Vous êtes ici :

Après avoir conquis le marché de l’occasion, la digitalisation s’empare du neuf. Les initiatives des constructeurs se multiplient.

« En Amérique du Nord, vous pouvez acheter une Tesla avec votre téléphone, en une minute environ, et cette possibilité sera bientôt étendue au monde entier … »
Faite en février dernier, l’annonce d’Elon Musk confirme une tendance qui se fait jour depuis plusieurs années : le parcours d’achat automobile, d’abord d’occasion, puis, plus récemment, de véhicules neufs, est de plus en plus digitalisé. Un phénomène mondial qui s’inscrit dans le sillage d’une première évolution, celle de la recherche d’informations sur Internet, très prisée par les consommateurs. A titre d’exemple, selon l’étude Google Gearshift sur le parcours d’achat automobile des Français réalisée avec TNS en 2018, 89% des acheteurs d’un véhicule d’occasion et 86% des acheteurs d’un véhicule neuf avaient d’abord pris des informations on line, sur des sites généralistes ou spécialisés, ou sur les sites des constructeurs. D’ailleurs, ces derniers ne s’y trompent pas : de simple outil complémentaire par rapport aux réseaux physiques de distribution, l’Internet devient peu à peu le vecteur de choix des acquéreurs. Et les constructeurs ont bien l’intention de répondre à cette nouvelle demande.

 

Fiat, Volkswagen, Audi, PSA, Hyundai : tous s’y mettent

De fait, dès novembre 2016, en Italie, Fiat avait lancé un premier test de six mois pour proposer trois modèles neufs sur Amazon, en s’associant avec la plateforme de e.commerce. Une stratégie fondée sur une enquête faisant ressortir que la moitié des Italiens étaient prêts à acheter via le net. De même, depuis la fin 2016, au Danemark, Volkswagen a commencé par vendre l’un de ses modèles uniquement par Internet. Aujourd’hui, c’est l’intégralité de sa gamme qui est vendue de cette façon dans ce pays pilote. Au Royaume-Uni, Hyundai UK a pour sa part lancé, début 2017, son Click to Buy, permettant à l’acheteur de configurer entièrement son véhicule neuf, de bénéficier d’une estimation pour son ancienne voiture, d’obtenir un prêt ou de payer la nouvelle, le tout en un clic. Plus récemment, Audi a annoncé que la vente digitale serait testée cette année pour une édition spéciale de l’un de ses modèles. La filiale de Volkswagen opte en fait pour le multi-canal, puisqu’elle a annoncé vouloir continuer d’offrir la vente traditionnelle à ses clients. Mais si l’expérience est concluante, elle compte étendre la vente en ligne à d’autres véhicules. Quant à  Carlos Tavares, le patron de PSA, il notait en février dernier que 6 000 voitures du groupe avaient été vendues en ligne en 2018, et il a fixé un objectif : celui de vendre jusqu’à 100 000 véhicules de cette façon d’ici 2021. En parallèle, la marque DS, créée en 2014 par PSA pour incarner « le luxe à la française », parie elle-aussi, comme Audi, sur le multi-canal. Elle a ainsi lancé en janvier dernier un système de vente complète en ligne, sur une édition limitée de son nouveau SUV urbain DS3 Crossback. Son ambition est de proposer à l’avenir ce mode de distribution alternatif sur chaque modèle.

 

Coopération avec les concessionnaires

Gain de temps pour le consommateur, réduction des coûts de fonctionnement pour les constructeurs, l’acquisition via le digital ne semble avoir que des avantages. Mais quid, dans ces conditions, des concessionnaires ? Alors qu’aux Etats-Unis, nombre d’états interdisent la vente directe de la part des constructeurs, afin de protéger les concessions, Tesla, en lutte – à travers plusieurs procès – contre ce modèle, pourrait fermer l’ensemble de son réseau de distributeurs si bon lui semble, puisqu’il lui appartient… En Europe, où la plupart des concessionnaires sont des entrepreneurs indépendants, liés aux constructeurs par des contrats régis par le droit européen, les constructeurs disent plutôt miser sur une coopération avec les concessionnaires. En effet, s’ils notent que les visites dans les showrooms sont de moins en moins nombreuses – elles auraient, selon McKinsey, été divisées par quatre entre 2000 et 2017 – les constructeurs estiment que le rôle de ces professionnels, pour apporter un conseil personnalisé, organiser des essais, conclure les ventes, sans oublier la livraison des véhicules, reste important. D’autant qu’eux-mêmes adoptent la digitalisation. De nombreuses concessions automobiles utilisent en effet des solutions de chat avec les clients, qui permettent de suivre leur navigation, et d’ainsi mieux répondre à leurs besoins. Enfin, observent les spécialistes de l’automobile, si la digitalisation touche effectivement de plus en plus de domaines de la vie quotidienne, l’achat d’une voiture, synonyme de budget élevé pour du neuf, et qui exige donc un niveau de confiance correspondant à l’enjeu, pourrait, au moins partiellement, résister à la tendance digitale. Pas étonnant que les constructeurs parient avant tout sur le multi-canal pour leurs prochaines ventes…